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Coco : « Rire et se moquer, c’est génial, non ? »

Comme pour mieux se retrouver dans le monde des vivants après les assassinats de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, Coco dessine. Encore et toujours. La dessinatrice de presse continue de mettre son crayon au service de la liberté d’expression. Et de la liberté tout court. Le dessin de Coco résiste. Comme un salutaire pied de nez au chaos ambiant.

Paru en mars dernier, Dessiner encore(1) rencontre un large écho. Vous attendiez-vous à un tel accueil ? À quoi l’attribuez-vous ?

J’en suis bien sûr heureuse. Heureuse d’avoir transmis quelque chose. Ce qui m’importait, c’était ce que j’avais à dire. Comme pour mes dessins. Avec Dessiner encore, je voulais d’abord témoigner de la destruction qui s’est abattue ce 7 janvier et d’une forme de résistance. Malgré tout. Comme s’il fallait ramasser les miettes et faire quelque chose avec. C’est comme une survie. Je voulais parler du dessin, de ce journal, de ce que j’y ai appris et vécu avec Charb, Cabu, Wolinski, Tignous et toute la bande… Je voulais parler de ce que j’ai envie de défendre, de la liberté d’expression, d’opinion, de la liberté de vivre tout simplement. J’ai aussi fait ce livre pour fixer les choses. Pour que rien ne s’efface, pour la mémoire collective. Reste que, même si j’ai du mal à recevoir des louanges, je suis très heureuse d’avoir touché les lecteurs. Sans doute que ce livre leur « parle » au-delà de l’évènement et du drame de Charlie Hebdo. Il parle d’universel, de la mort et de la résistance, de la vie et de la liberté.

Quelle est votre définition du dessin de presse ? Une simple illustration ? Quelque chose qui remplace un article ou un édito ?

J’essaie d’amener le dessin dans un espace où l’écrit et la photo ne peuvent pas aller. Le dessin de presse est différent d’une illustration. Il est autonome et porte un réel impact graphique. Le plus important pour le dessin, c’est d’être percutant et synthétique sur une situation donnée ou l’actualité sociale, internationale ou politique. Le dessin de presse est un condensé, coup de poing dans la gueule. Cabu disait que c’est « un coup de poing dans la gueule dans un gant de velours ». Le dessin de presse, c’est quelque chose qui doit à la fois être fin, fort, impertinent ou brutal. Qui doit déranger, questionner ou choquer… En tout cas, il est là pour ouvrir un champ d’idées et de réflexions. Le dessin de presse est unique en son genre.

Certes, mais le New-York Times ne publie plus de dessin depuis deux ans. Le Monde se sépare de Xavier Gorce, l’année dernière, en lui reprochant un dessin pouvant être mal interprété. Le dessin de presse aurait-il mauvaise presse ?

Je ne dirais pas que le dessin de presse a mauvaise presse. C’est le contexte qui fait qu’on ne le comprend plus, ou moins bien. Il faut quand même réfléchir aussi, parfois ! C’est le monde autour qui a évolué et qui se dit offensé pour tout et n’importe quoi. Par exemple, ce courant de la « cancel culture » et les « wokes », venus des USA qui arrivent en France, réfutent tout débat d’idées et agissent en curés de la pensée ! On ne pourrait plus rien dire si l’on prenait en compte l’avis de chaque petit groupe, chaque personne qui se dit froissée par un dessin.

Vous fixez-vous des limites lorsque vous dessinez ?

Aucune, sauf celles de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui est un cadre légal. Je ne me soucie pas du ressenti de celui qui me lit. Le dessin, c’est une affaire de confiance et de partage. Les lecteurs sont assez grands pour comprendre et décoder. Je le crois. J’aime assez le propos de la philosophe Monique Canto-Sperber qui dit : « si on ne va pas trop loin, on ne va pas assez loin »(2).

Quel est votre cheminement vers le dessin engagé, le dessin militant ?

J’ai eu la possibilité de faire mon stage des Beaux-Arts à Charlie Hebdo. Alors évidemment, me retrouver avec toute cette équipe drôle, engagée, politique et bosseuse, ça aide à comprendre le monde dans lequel on vit ! Mais je ne suis ni une militante, ni un symbole de la liberté d’expression. Je suis juste une défenseuse des valeurs auxquelles je crois. Héritiers des Lumières, face à l’obscurantisme, notre liberté, c’est de lutter contre tous les intégrismes, l’intolérance religieuse, le sexisme, la connerie…! Notre liberté d’expression, il faut la préserver en en usant. C’est une liberté valable pour tous, pas seulement pour les dessinateurs de presse.

Entre nous Coco, qu’est-ce qu’un bon dessin ?

C’est celui qui va vers l’autre, qui fait rire et qui fait réfléchir. Rire et se moquer, c’est génial, non ?

Propos recueillis par Michel Scheidt


1- Dessiner encore, Coco, 2021, éditions les Arènes, BD, 28€ (Cf. Vie nouvelle n°223, avril 2021).
2- Sauver la liberté d’expression, Monique Canto-sperber, 2021, éditions Albin-Michel, 21,90€.


Corinne Rey, dite Coco, est née le 21 août 1982, à Annemasse (74). De Charlie Hebdo à Libération, où elle a récemment remplacé Wilhelm, en passant, entre autres, par le 28’ d’Arte, la dessinatrice de presse est aussi auteure de bandes dessinées.


 

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